Arrêté Cadre Béthune

L’arrêté cadre interdépartemental

Marie-Laure FIGIEL DIREN Nord Pas-de-Calais

Je présenterai d’abord la situation hydrologique (réalisée à mi-juin, et dont il manque la synthèse et l’analyse des données pour la deuxième quinzaine) et ensuite l’arrêté cadre modifié en 2006, tenant compte du retour d’expériences des travaux menés en 2005.
Présentation de la situation hydrologique

Revenons sur l’année hydrologique 2004/2005 (l’année hydrologique s’étend de du 1er octobre au 30 septembre). Le phénomène de sécheresse s’inscrit dans la durée et se caractérise par des écarts à la normale. Depuis 2003, nous vivons une série d’années plus ou moins sèches consécutives, ce qui laisse penser que cette série n’est pas terminée.

A l’issue de la période fin septembre 2005, nous constations sur l’année précédente un déficit léger mais existant (qui se répète d’année en année) de 20 % en pluviométrie sur une grande partie de la région et surtout plus au sud dans la Somme. Quelques régions ont été excédentaires, notamment le Boulonnais, Le Touquet, les collines de l’Artois, et la région lilloise. Cet excédent s’explique principalement par des mois d’été aux épisodes orageux marqués qui n’ont pas rechargé les eaux souterraines et les réserves d’eau potable.

Entre octobre 2005 et mai 2006, la situation était proche de la normale (quelques secteurs restaient excédentaires). Le mois de mai, contrairement au mois d’avril, a été très humide, ce qui a bénéficié très tardivement à la recharge des nappes. Cette recharge tardive rappelle ce qui s’est passé dans la Somme lors des inondations remarquables de 2001/2002. Malgré une végétation déjà présente, les pluies tardives rechargent certains secteurs.

Au mois de juin, les débits auront baissé d’un niveau que nous sommes en train d’établir en ce moment, alors que fin mai, les débits des rivières étaient supérieurs à ceux enregistrés l’an dernier à la même époque.

Aucune vigilance n’était de mise depuis le 15 mai sur toutes les unités de référence définies pour le Nord - Pas de Calais. A fin juin, quelques premières difficultés vont ressurgir. Vous trouverez les détails de la situation des cours d’eau et des nappes sur le site Internet de la DIREN, mis à jour régulièrement.

Pour les eaux souterraines, la vigilance est de mise sur le secteur Scarpe amont Sensée-Escaut. Certains piézomètres baissent, et beaucoup sont encore assez bas par rapport à la normale, certains remontent. Ce secteur (Cambrai, Douai, Valenciennes’) est à surveiller particulièrement. La carte ? sécheresse ? de la région montre une large zone à l’Est/Centre Est encore en vigilance fin mai et mi-juin.

L’arrêté cadre sécheresse

L’arrêté cadre a été signé le 27 avril 2006 par les préfets du Nord et du Pas de Calais, en présence de Madame Nelly Olin, Ministre de l’Ecologie et du Développement durable. Pourquoi un arrêté cadre pour la région Nord - Pas de Calais ? Un arrêté cadre sécheresse a été élaboré dans le cadre du plan national sécheresse programmé par le ministère de l’Ecologie et du Développement durable en mars 2004.

L’idée de cet arrêté est de définir à froid (en dehors des périodes de crise) d’une manière cohérente les règles de gestion de la sécheresse en concertation avec les usagers, à l’échelle de la région Nord - Pas de Calais, dans laquelle les cours d’eau circulent dans les deux départements (sauf les fleuves côtiers et l’Avesnois) et dont les nappes phréatiques sont les mêmes.

Nous avons procédé selon une logique de bassin versant, qui nous a amenés à déterminer les unités de référence sécheresse évoquées précédemment. Nous avons aussi défini des mesures progressives liées au dépassement de certains seuils. Nous avons défini 4 seuils correspondants à 5 situations : le tout premier serait RAS, le premier seuil dépassé détermine une situation de vigilance (faisant l’objet de communication), puis l’état d’alerte, et l’état de crise voire de crise renforcée. Ce n’est qu’à partir de l’état d’alerte que des mesures de restrictions graduées sont mises en ’uvre par des arrêtés particuliers, pris à chaque fois par le préfet. Ce n’est pas l’objet de l’arrêté cadre. L’arrêté cadre n’est pas directement applicable, il ne signifie pas immédiatement ? restriction ’. Il définit les conditions générales dans lesquelles une restriction sera mise en oeuvre.

En 2005, un arrêté cadre a été finalisé le 21 juillet et a conduit à quelques restrictions d’usage sur l’unité Scarpe amont Sensée Escaut, car le 3 août, nous avions dépassé l’état d’alerte. Le 31 août, nous étions passé au niveau crise. L’arrêté de restriction s’est étendu jusqu’au 1er décembre 2005.
L’arrêté cadre procède d’une logique de bassin versant qui nous a amenés à définir 10 secteurs hydrologiquement homogènes : l’Authie, la Canche, le Boulonnais, le delta de l’Aa et Audomarois, l’Yser, la Lys, la Marque-Deûle autour de Lille, la Scarpe aval, le secteur Scarpe amont-Sensée-Escaut et la Sambre. A la fin de l’année 2005, nous avons procédé, comme convenu, à une révision selon le retour d’expériences, à la consultation de tous les acteurs de l’eau, des usagers, etc. Un certain nombre de propositions d’évolution de l’arrêté cadre ont été transmises au préfet, elles portent sur trois grands thèmes :
 l’évolution de la gestion du suivi
 l’évolution des mesures de restriction
 plusieurs aménagements et des clarifications suite à la demande des usagers.

La définition des restrictions à partir d’un nombre de points de surveillance était trop restreinte : le réseau se composait de 17 points de suivi de la nappe d’eau souterraine et d’une dizaine de points de suivi de rivières à cours d’eau. Sur les cours d’eau, pratiquement aucune restriction n’avait été déclenchée. En revanche, le suivi des eaux souterraines a été densifié et comporte désormais 24 points, suivis à titre de réseau de référence.

Ce réseau a donc été largement densifié grâce à des points de suivi, des piézomètres de l’Agence de l’eau, qui ont fait aussi l’objet de définitions de seuils, de vigilance, d’alerte et de crise. Une vingtaine de points ont aussi été proposés par plusieurs usagers par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, par les chambres d’agriculture du Nord et du Pas de Calais et par la LYONNAISE DES EAUX. Ils sont utilisés comme un réseau complémentaire permettant d’affiner les décisions en cas de besoin.
Le réseau des eaux superficielles n’a pas été densifié car il n’avait pas suscité de difficultés en raison des orages au cours de l’été 2005. Les points de référence sont par exemple, sur le delta de l’Aa, Wizernes, sur le secteur Lys, Delettes. Les points complémentaires sont la Lacquette à Witternesse et la Clarence à Robecq. Pour la Canche, le point de référence est à Brimeux.

Le réseau eaux souterraines, pour l’unité de référence Lys, se base essentiellement sur deux piézomètres de référence, Ecques et Bruay en Artois, et aussi sur trois points complémentaires (pour lesquels VEOLIA nous fournit des informations) : Beuvry ? rivages ’, Houdain et Camblain Chatelain.

Les zones de restriction ont été redéfinies de manière à améliorer l’équité entre les usagers. Dans le Nord, les mesures applicables aux usagers, compte tenu de la forte interconnexion des unités de distribution, s’étendront à l’ensemble des unités de gestion concernées par la nappe de craie en question.
Dans le Pas de Calais, les restrictions peuvent être étendues à l’ensemble de la nappe de la craie sur le département du Nord, le cas échéant, puisqu’il y a une forte interconnexion entre le Sud et le Nord de notre région.
Si l’unité de référence Marque-Dêule faisait l’objet de restrictions, ces dernières seraient étendues grosso modo à toutes les communes de la plaine de la Lys, des Flandres intérieures mais aussi toute une partie Valenciennoise, Scarpe Escaut (voir la carte présentée pour le détail).
Si le secteur Scarpe amont - Sensée Escaut (cité précédemment) était touché par des mesures de restrictions, toutes les communes autour de Lille jusqu’à la plaine de la Lys et une partie des Flandres connaîtraient aussi des restrictions au titre des interconnexions.

A partir de 2006, les mesures de restriction ont été découplées entre les eaux souterraines et superficielles : en 2005, les mesures de restrictions étaient déclenchées pour les deux ressources même si une seule était en alerte ou en crise.

La gestion des eaux superficielles par ce nouvel arrêté cadre ne connaît pratiquement pas de modifications car nous n’avions pas de retour d’expérience particulier en 2005 sur les cours d’eau S’agissant de la ressource en eaux souterraines, plusieurs modifications significatives ont été réalisées. Compte tenu de l’inertie de la nappe de la craie, tous les seuils ont été largement relevés. Il faut une situation de niveau de nappe beaucoup plus bas en 2006 qu’en 2005 pour déclencher des mesures de restriction.
Nous ne nous basons plus uniquement sur un seul point de suivi (contrairement à 2005) pour déclasser toute une unité mais sur la moyenne des piézomètres suivis. Leur nombre s’est fortement accru avec les piézomètres de l’Agence de l’eau et aussi ceux des usagers qui aident à affiner la décision.
Nous avons décidé également de mener des actions de communication plus poussées dès le seuil de vigilance.

Les restrictions ont été modifiées.
En cas d’état d’alerte, les consommations des industriels seront restreintes de 10 % et celles des agriculteurs seront restreintes à 6 jours par semaine. Les consommations urbaines dites de luxe seront interdites.
On constate une certaine cohérence entre les mesures concernant les industries et celles concernant l’agriculture.
De même, en cas de crise, les consommations des industriels seront réduites de 20 % et celles des agriculteurs seront restreintes à 5 jours par semaine.

L’arrêté cadre prévoit aussi des dérogations possibles sur étude de la DRIRE.

D’autres modifications ont permis la mise en cohérence (par les services de police de l’eau) des mesures de restrictions entre le Pas de Calais et la Somme sur l’unité de référence Authie.

Le Réseau d’observation de crise des assecs des cours d’eau (ROCA), suivi par le Conseil supérieur de la pêche, est déclenché dès que le seuil de vigilance sur les rivières est franchi.
Les pisciculteurs font désormais l’objet de dispositions spécifiques de restrictions.
Une exemption de restriction a été ajoutée pour les irrigants au goutte-à-goutte et pour les agriculteurs utilisant leur propre forage d’alimentation pour le bétail.
Echanges avec la salle

De la salle (Blanche CASTELAIN, NORD NATURE)
Est-ce vraiment souhaitable que les restrictions sur les eaux superficielles et sur les eaux souterraines soient découplées ’

Marie-Laure FIEGEL
Chacun aura probablement son avis sur la question. En 2005, les acteurs de l’eau avaient souhaité les coupler car en hiver les nappes alimentent les rivières et en été inversement les rivières alimentent les nappes. Nous avons tenu compte de la majorité des voix exprimées lors des comités régionaux et c’est en concertation avec les usagers que cette décision a été prise.

Participant (Monsieur. TROUVILLIEZ NORD NATURE Béthune )
Le problème est que les usagers ne connaissent pas toujours le fonctionnement des rivières. Nous avons parlé tout à l’heure de seuils (de vigilance, d’alerte). Quelles sont les bases de détermination de ces seuils ?

Marie-Laure FIEGEL
Nous nous basons principalement sur les données statistiques. Par exemple, nous possédons des données de débit depuis 30 ou 40 ans sur les eaux superficielles. Nous nous servons d’une moyenne mobile sur 3 jours consécutifs du débit moyen journalier et calculons le VCN3, le débit minimum sur une moyenne de trois jours consécutifs. La période de retour est fixée à 5 ans sur les rivières pour la vigilance, à 10 ans pour l’alerte et à 20 ans pour la crise. Sur les nappes, nous utilisons aussi essentiellement des statistiques.
Globalement, pour l’ensemble des piézomètres, le seuil de vigilance est fixé à la période de 10 ans, l’alerte à 20 ans et la crise est le minimum connu sur les données piézométriques de référence.

De la salle (Daniel BECUE, BP Wingles SNC)
Qu’entend-on par consommation pour les entreprises ? Est-ce la consommation indiquée dans l’arrêté préfectoral ou est-ce la consommation à un instant t ?

Intervenant (Olivier MEVEL)
Normalement, dans les arrêtés préfectoraux, les consommations sont limitées à la fois par des moyennes journalières et des maximums journaliers ou des maximums horaires. Je pourrai vous présenter plus en détails ce qui va s’appliquer aux industriels lors de mon exposé : on pourra ramener la consommation horaire à une consommation journalière.

Présentation de l’Arrêté Cadre pour les entreprises

Olivier MEVEL DRIRE Nord Pas-de-Calais

Je vais vous présenter, en application de l’arrêté cadre, les prescriptions applicables aux installations classées. Nous ferons ensuite un point sur le plan d’action 2006/2007 de la DRIRE pour la sécheresse.

Selon l’arrêté cadre, qu’est-ce qu’un gros consommateur ’ La définition est établie par une circulaire d’action nationale de la direction de la prévention de la pollution et des risques de 2004. Sont considérées comme gros consommateurs les installations classées dont les autorisations de prélèvement sont supérieures à 80 m3/h dans une nappe d’eau souterraine, ou supérieures à 1 000 m3/h ou supérieures à 5 % du débit d’étiage de fréquence quinquennale 5 (le QMNA5) dans les eaux de surface. Des règles de restriction spécifiques s’appliquent à ces gros consommateurs.

L’arrêté du 27 avril 2006 prévoit des restrictions et des mesures concernant les activités industrielles et commerciales de limitation d’usage dès lors que les seuils d’alerte ou de crise sont atteints. Si une situation de crise renforcée survient, chaque cas sera traité indépendamment, mais il faut s’attendre à des restrictions sévères envisagées par le préfet.

A propos des activités industrielles et commerciales (dépassant le champ des installations classées), l’arrêté du 27 avril 2006 prévoit d’imposer une limitation des consommations au strict nécessaire et un remplissage hebdomadaire du registre de prélèvements réglementaires. Pour les installations classées, soumises à autorisation, l’arrêté prévoit des restrictions d’autorisation de prélèvements dans un réseau collectif (réseau d’eau potable ou dans certains cas des réseaux d’eaux industrielles) de l’ordre de 10 % dès que le niveau d’alerte est dépassé ou de 20 % dès que l’on dépasse le seuil de crise. Bien entendu, il existe des possibilités de dérogation accordées par le préfet, sur demande écrite, justifiée, adressée au préfet, mais aussi à la DRIRE, ce qui permet de gagner un peu de temps. Ces dérogations peuvent être acceptées notamment pour les industriels qui ont fait de gros efforts de réduction en mettant en place des techniques de recyclage et qui n’utilisent l’eau que pour des besoins sanitaires ou domestiques.

Pour les industriels considérés comme gros consommateurs, deux cas se présentent : l’industriel possède déjà des prescriptions dans le cadre de son arrêté préfectoral d’autorisation. On lui demande de respecter ces prescriptions spécifiques à son activité. Lorsqu’il n’y a pas de prescriptions, ce qui est souvent le cas, on demande à l’industriel de réduire les autorisations de prélèvement de 10 % en situation d’alerte, et de 20 % en situation de crise (en eaux souterraines comme en eaux de surface).

La DRIRE demandera un compte rendu des actions mises en place et des économies d’eau qui auront été réalisées, afin de mesurer les conséquences de la mise en place de telles restrictions et de réajuster les seuils au besoin. Il est là aussi possible d’obtenir des dérogations auprès du préfet. Voici pour les mesures générales.
Le plan d’action DRIRE 2006/2007
A partir de l’enquête IRE (l’Industrie au regard de l’environnement) que nous réalisons chaque année, nous avons établi une pré-liste de 70 entreprises qui seraient susceptibles d’entrer dans la catégorie des gros consommateurs. Cette liste sera affinée par les ingénieurs subdivisionnaires de terrain qui connaissent bien les arrêtés préfectoraux.

Dans un deuxième temps, nous prendrons des Arrêtés préfectoraux complémentaires (APC) où pourra être demandée, si la situation l’exige en 2006 (arrêté d’urgence), l’application des mesures de limitations de l’arrêté cadre.

En anticipation de l’année 2007, nous allons demander la réalisation d’une étude technico-économique qui va consister à questionner les entreprises sur les mesures qu’elles pourraient prendre en cas de situation hydrologique sensible (sécheresse) : comment l’établissement se positionne-t-il par rapport à ses consommations ? En comparaison avec les meilleures technologies disponibles ? Avec les meilleures technicités de recyclage ? Quels usages sont importants pour la production ? Lesquels sont moins importants ?

Nous allons également leur demander d’essayer de se positionner sur les conséquences éventuelles pour leur entreprise d’une limitation de 10 %, de 20 % ou de 30 %.

Tous ces éléments nous permettront de mettre en garde le préfet sur les conséquences possibles d’une limitation et également donnera aux entreprises l’occasion de réfléchir à leur usage de l’eau et aux conséquences d’éventuelles limitations d’usage d’eau.

Il va être demandé aux gros consommateurs d’eau de réaliser ces études technico-économiques avant la fin de l’année 2006. Les inspecteurs qui examineront les résultats de ces études vont proposer au préfet du Nord et du Pas de Calais des arrêtés préfectoraux complémentaires permettant des situations adaptées en cas de situation hydrologique sensible. Il serait souhaitable que ces arrêtés complémentaires soient établis pour le premier trimestre 2007.

Des mesures seront également prises pour les installations classées ne rentrant pas dans la catégorie gros consommateurs. En 2006, si des arrêtés préfectoraux de limitation ou de restriction sur une unité de référence sont prescrits (l’année dernière, le secteur Scarpe-amont Sensée Escaut était concerné de même que le groupe de subdivision de Béthune), la DRIRE enverra un courrier à l’ensemble des industriels soumis à autorisation. Ce courrier comportera deux objets : premièrement, il consistera à rappeler ce qui est imposé par l’arrêté de restriction, deuxièmement il demandera aux industriels de rendre compte des actions mises en place et des économies d’eau réalisées. Comme précédemment, nous pourrons en tirer des conséquences sur les économies d’eau des installations classées et savoir si les seuils sont adaptés ou pas. Egalement, l’idéal serait d’arriver à déterminer ce qu’apporterait une limitation donnée des installations classées en économie (ou non consommation) d’eau sur la nappe ou en surface. Nous espérons y arriver prochainement.

Voici ce qui est prévu en cas de situation hydrologique sensible en 2006/2007.

Echanges avec la salle

Thomas SENAC, ROQUETTE
Vous parlez de consommateurs et d’utilisateurs, mais les notions sont différentes. Un site qui pompe dans une rivière 20 000 m3 et qui en restitue 19 000 n’en consomme en fait que 1 000. Comment cet élément est-il pris en compte ?

Olivier MEVEL
C’est une question qui revient souvent. L’arrêté cadre interdépartemental prévoit le ? prélèvement ’. Effectivement, la notion de consommation n’est pas explicitement mentionnée dans cet arrêté. Dans le cas d’une consommation faible mais d’un prélèvement important, nous avons prévu la possibilité de dérogation. On tiendra compte de ce qui est prélevé, consommé, restitué. En cas de sécheresse, plusieurs notions peuvent intervenir : la température entre autres. Dans ce cas là, un industriel qui procède à de gros prélèvements pour des eaux de refroidissement et qui rejette avec élévation de température peut poser problème, et les règles seront assez restrictives. Si ce n’est qu’un problème de quantité de ressource, dans le cas d’un gros prélèvement mais d’une forte restitution d’eau (de qualité acceptable), le préfet pourra accorder une dérogation.

Benoît DEMAGNY Sté INGREDIA
Si nous ne sommes pas en période sensible de crise ou d’alerte, des plans d’actions seront-ils menés pour viser à la réduction de consommation d’eau ’

Olivier MEVEL
Indépendamment d’une situation de sécheresse, l’étude technico-économique sera tout de même demandée, mais sans mesures de restriction d’eau. Il est toujours bon de sensibiliser et de limiter les consommations d’eau au strict minimum, mais il n’y aura pas d’arrêtés préfectoraux aux règles bien définies.

En situation de crise, des plans de contrôle sécheresse seront mis au point afin de vérifier que les règles de restriction sont bien respectées.

Grégory SAUNIER, VEOLIA
Dès que vous prenez la décision de diminuer les consommations d’eau auprès des industriels, un calendrier est-il établi ? Des questions techniques et économiques vont être soulevées par ces mesures. De quel délai peut disposer une entreprise pour abaisser sa consommation d’eau étant entendu que toute industrie possède un planning de production déterminé à l’avance ? Comment envisager d’éventuels travaux ?

Olivier MEVEL
Si une telle situation se produisait, je vous invite à vous faire connaître le plus tôt possible. Aucun délai n’a été fixé. Dès que vous demandez une dérogation, l’effet est suspendu. Le temps d’étudier votre demande, vous aurez une réponse dans un délai d’une semaine à 10 jours. Lors de l’étude que nous souhaitons mener auprès des industriels, nous allons leur demander de réfléchir sur cet aspect économique en plus de l’aspect technique. Ainsi, plus les études seront précises, plus les prescriptions seront adaptées.

Economies d’eau : accompagnement et aides de l’Agence de l’Eau

Daniel BOGUSZ Ajoint au directeur industrie de l’Agence de l’Eau Artois-Picardie

DANIEL BOGUSZ
Adjoint au Directeur Industrie de l’Agence de l’eau Artois Picardie
Je suis amené à élaborer les programmes d’action pour le 9e programme qui couvre les 6 années à venir.

Je vous propose d’étudier l’état des prélèvements sur l’ensemble du bassin (sans entrer dans le détail), de déterminer quels peuvent être l’ensemble des moyens techniques et quelles sont les possibilités d’intervention financière de l’Agence.

[Cf. les diagrammes distribués aux participants lors de la commission technique]
L’état des prélèvements
Que signifie le degré de sollicitation ? C’est le rapport entre le volume prélevé et le volume d’eau renouvelable, ce dernier étant calculé à partir des moyennes des précipitations multipliée par la surface. Dans ce calcul, il n’est pas tenu compte des écoulements de surface ni des échanges latéraux entre les différentes zones. Il convient donc de regarder les valeurs relatives entre les différents chiffres.

Lorsque la sollicitation de la nappe est inférieure à 20 %, on peut considérer que la nappe peut supporter les prélèvements. Dans certains territoires, la sollicitation est de l’ordre de 20 à 50 % (région d’Arras, de Douai et une partie du bassin minier). Et enfin, dans la région de Lens, de Lille, les sollicitations atteignent les 50 % voire les 100 %, ce qui donne une idée des ressources possibles sur le secteur.

On peut aussi s’intéresser aux prélèvements souterrains en eau potable. La région de Lille, de Douai, de Lens, le Béthunois, Aire sur la Lys et toute la zone côtière de Calais jusqu’à Boulogne ainsi que l’Avesnois, la région de Maubeuge et de Cambrai observent les prélèvements les plus marqués.

Les prélèvements d’eau de nappe frisent les 100 millions de m3 et ont tendance à décroître un peu : les consommations d’eau de nappe sont progressivement remplacées par les consommations d’eau de surface.

Les quantités d’eau achetées à des tiers (et en particulier les prélèvements dans le canal de Bourbourg) sont aujourd’hui trois ou quatre fois supérieures à celles des années 70. D’énormes efforts ont pourtant été réalisés dans l’industrie, mais ces efforts ont été limités à un certain point par des moyens techniques voire financiers. Nous verrons qu’aujourd’hui, nous pouvons franchir un nouveau pas.

Quels sont les objectifs en matière d’économie d’eau ?
Les objectifs sont de soulager les ressources, c’est évident, dans le cadre de la lutte contre la sécheresse, mais aussi de lutter contre la pollution, en particulier les rejets de substances toxiques. Dans le cadre de la directive cadre sur l’eau, nous nous intéressons de plus en plus aux micro-polluants toxiques, des composés présents à des teneurs très faibles qui s’expriment en microgrammes voire en nanogrammes par litre. A ces niveaux de concentration il est très difficile d’envisager des stations d’épuration, sinon en faisant appel à du charbon actif, à des résines échangeuses d’ions ou à des techniques membranaires qui coûtent très cher à la fois en énergie et en investissement.
Le recyclage et les économies d’eau permettent donc de lutter contre la pollution de façon très importante. Enfin, les économies d’eau constituent aussi un élément de lutte contre les inondations. Moins on rejette d’eau, plus on utilise les eaux pluviales, et moins nombreux sont les problèmes d’inondations. Certaines usines ont des surfaces importantes et pour elles les débits de rejet peuvent être assez considérables.

Depuis une dizaine d’années, nous disposons de moyens techniques nouveaux : les techniques membranaires nous permettent d’aller au-delà des limitations d’autrefois dans les recyclages, en particulier au-delà des limitations dues à la fois à la corrosion à cause de l’accumulation des sels qui entraînait une purge inévitable sur les circuits de refroidissement. On peut aujourd’hui traiter ces sels, le chlorure et d’autres sels, par osmose inverse voire par évaporation, et recycler. Je vous donnerai quelques exemples de réalisation qui permettent d’aller jusqu’au recyclage intégral.

Au moment de la création de nouvelles usines ou de nouveaux ateliers, on peut aussi améliorer les procédés. L’utilisation de l’eau n’est pas obligatoirement une fatalité. C’est souvent une facilité. Si l’industriel a le temps d’étudier son procédé avant la création de son usine ou de son atelier, il peut réduire de façon importante ses besoins en eau.

Je vais vous donner quatre exemples (sans les noms des entreprises) qui seront bientôt visibles sur le site Internet de l’agence (après autorisation) et qui s’inscrivent dans le cadre de recyclages intégraux, des techniques propres, etc.

Le premier concerne une usine de traitement de surface qui fait de la robinetterie. Cet établissement est parvenu à un recyclage intégral de l’eau, il n’y a plus de rejet d’eau. Par conséquent, il n’y a plus ou peu de problèmes de prélèvement et cette entreprise n’est pratiquement plus en contact avec la DRIRE au titre de ses rejets dans le milieu naturel ou dans le réseau d’assainissement. Elle ne voit également plus l’Agence de l’eau qui ne lui fait plus payer de redevance. L’entreprise a installé une station de détoxification et un évaporateur pour un montant de 250 000 ’. La consommation a été réduite de 10 fois (de 6 000 m3 par an à 600 m3 par an). Ces débits sont relativement faibles mais correspondent à une pollution très importante. Le recyclage en traitement de surface est assez délicat puisqu’il requiert de très bonnes qualités d’eaux.

Le deuxième exemple porte sur une teinturerie où sont recyclées totalement les eaux de refroidissement pour un montant inférieur à 40 000 ’, ce qui correspond à une économie non négligeable de 30 000 m3 par an.

Le troisième exemple est trouvé dans la construction automobile où sont recyclées directement les eaux résiduaires grâce à une station d’épuration construite pour un montant de 2,7 millions d’euros (secteur de la construction automobile RENAULT à Douai). Moyennant cet investissement, l’économie réalisée est de 150 000 m3 d’eau, ce qui est assez important.

Le dernier exemple concerne une cartonnerie : par des procédés membranaires, elle est parvenue à un recyclage intégral pour un montant d’investissement de 400 000 ? et une économie de 20 000 m3 par an. Un tel investissement implique nécessairement l’ensemble des services de l’établissement en question, de la direction jusqu’à l’ouvrier qui travaille sur les machines.

Certains de ces procédés sont relativement complexes.
Les modalités d’intervention
Les modalités d’intervention du 8e programme seront probablement reconduites pour la dépollution et les économies d’eau dans le 9e programme, c’est-à-dire pour les 6 années à venir à partir de 2007. A cause de l’encadrement européen des aides d’Etat, l’Agence de l’eau ne peut aujourd’hui apporter qu’une subvention de 30 % aux études préalables. Nous vous apporterons, bien sûr, un concours technique relativement important puisque nous connaissons toutes les usines du bassin, et même celles de France par l’intermédiaire de nos collègues des autres agences, voire de l’étranger.

En ce qui concerne les travaux, les possibilités d’intervention sont de 70 % en deux parties :
 une avance convertible en subvention de 15 % (si la consommation a bel et bien diminué)
 une avance de 55% remboursable en 10 ans avec un différé d’un an (possibilités d’intervention importantes).

Sur 2 millions d’euros de travaux sur les économies d’eau, nous avons apporté une aide de 1,4 millions d’euros (donc 70 %) pour 7 interventions sur le bassin. L’économie a été de 5 700 m3 par jour, cette moyenne multipliée par 365 constitue un chiffre non négligeable à l’échelle de 3 départements (plus l’arrondissement de Saint Quentin).
Echanges avec la salle
De la salle
Dans l’exemple du constructeur automobile, il est question de recyclage des eaux résiduaires par une station d’épuration. Cette station d’épuration traite-t-elle absolument l’ensemble des pollutions ou seulement quelques-unes ?

Daniel BOGUSZ
C’est assez complexe. RENAULT à Douai présente des activités qui vont du traitement de surface jusqu’à la peinture. A l’origine, l’usine disposait de deux stations d’épuration qui permettaient un rejet dans la Scarpe satisfaisant aux arrêtés préfectoraux sans dysfonctionnement notoire (sauf exception). L’étape suivante a été de créer une station d’épuration complémentaire permettant d’aller plus loin : certains polluants ne sont pas directement polluants pour le milieu naturel mais sont assez pénibles à recycler : ils vont entartrer certaines canalisations ou vont dégrader voire entraîner de la corrosion. Cette station complémentaire a permis leur recyclage, et traite une partie des eaux, pas la totalité. Ais-je répondu à votre question ?

Benoît DEMAGNY
Nous avons souhaité traiter ce sujet au sein de la commission eau car nous entendions tous parler de l’évolution de cet arrêté. Nous voulions donner le maximum d’informations pour tous les acteurs, les industriels, les organismes, etc. Merci aux intervenants de nous avoir éclairés sur cette problématique.

Comptes-rendus