Commission Milieux Déchets S3PI de l’Artois à Béthune

RELEVE DE CONCLUSIONS

Jacques PATRIS rappelle qu’au cours de la présente réunion sera essentiellement abordée la question des déchets d’origine nucléaire. Il invite les participants à un dialogue ouvert et sans tabou.

I. Evolution de la nomenclature des installations classées dans le domaine du traitement des déchets

Olivier PAS présente les évolutions réglementaires et législatives relatives aux installations classées de traitement des déchets, suite à la directive-cadre du 19 novembre 2008 de l’Union Européenne. De nouvelles rubriques ont été introduites dans la nomenclature : les 2 700 et suivantes concernant le traitement des déchets.

Les déchets présentant un potentiel de danger sont considérés au même titre que les produits dangereux et contribuent à présent au classement SEVESO des installations. Des seuils de classement « haut » et « bas » ont été introduits et les installations de traitement des déchets dangereux peuvent de ce fait passer SEVESO.

Les installations classées de transit, regroupement et tri des déchets font l’objet des rubriques suivantes dans la nomenclature :

· 2710 : déchetteries aménagées pour la collecte des encombrants, matériaux et produits triés et apportés par le public ;

· 2711 : transit, regroupement, tri, désassemblage, remise en état d’équipements électriques et électroniques mis au rebut ;

· 2712 : installations de stockage, dépollution, démontage, découpage ou broyage de véhicules hors d’usage et de différents moyens de transport hors d’usage ;

· 2713 : métaux non dangereux ;

· 2714 : déchets non dangereux de papiers, cartons, plastiques, caoutchouc, textiles, bois ;

· 2715 : verre ;

· 2716 : déchets non dangereux non-inertes ; seuil d’autorisation de 1 000 m ;

· 2717 : déchets dangereux visés par la directive SEVESO II et un possible seuil « S »indiquant que le site relève de la directive SEVESO ;

· 2718 : déchets dangereux hors SEVESO.

Les déchets inertes sont regroupés dans les rubriques 2516 et 2517 et considérés comme des matériaux. Les décharges de classe 3 pour les déchets inertes sont retirées de la classification.

Toute installation où les déchets sont traités par élévation de température est considérée comme activité de traitement thermique, ce qui va au-delà de la seule incinération. Ce type d’installation fait l’objet des deux rubriques suivantes :

· 2770 : installation de traitement thermique de déchets dangereux ;

· 2771 : installation de traitement thermique de déchets non-dangereux.

Un arrêté ministériel du 13 août 2010 prévoit la généralisation des mesures en semi-continu des dioxines et furannes et des mesures continues de l’ammoniac ainsi que l’imposition de flux limites. La mesure de la valorisation énergétique dans les installations d’incinération d’ordures ménagères est généralisée, avec un objectif de performance énergétique de 60 %. Les mâchefers ne pourront être désormais valorisés qu’après maturation et leur traçabilité relèvera de la responsabilité du producteur.

Le traitement biologique fait l’objet des rubriques 2780 (compostage), 2781 (méthanisation) et 2782 (tri mécano-biologique, traitement biologique de terre et de matériaux, etc.).

Les installations de traitement des déchets sont réparties entre les rubriques 2791, relative aux déchets non-dangereux, et 2790, qui porte sur les déchets dangereux, avec là encore un seuil SEVESO.

L’ensemble des éléments est repris dans la circulaire du 24 décembre 2010.

Jean-Paul LECOUSTRE demande si les résidus de broyage automobile sont considérés comme des déchets.

Olivier PAS  explique que ce qui sort d’une installation de traitement de déchets reste un déchet. Pour quitter ce statut, le déchet doit subir une opération supplémentaire, selon les critères de la directive.

Jacques PATRIS demande si une démarche d’harmonisation du traitement des déchets est en cours dans le reste de l’Union Européenne.

Olivier PAS confirme que les textes mentionnés dérivent de directives européennes applicables à l’ensemble des Etats membres. Chaque pays gère néanmoins les installations ou les déchets présents sur son territoire comme il l’entend, dans le respect de la législation européenne.

Jean-Paul AGEZ demande des précisions sur le taux de recyclage des pneumatiques usagés.

Olivier PAS indique que la France est en retard dans l’application des taux. Un arrêté ministériel est en attente pour définir les modalités de calcul.

Julien PERET souligne que les boues des stations d’épuration peuvent avoir une valeur agronomique sans traitement et demande si elles peuvent être sorties du statut de déchet.

Olivier PAS répond que c’est en effet possible selon une directive de 2008 transposée en droit français. Un déchet peut sortir de son statut s’il respecte les critères définis.

Grégory ALEXANDRE s’interroge sur le statut des chaudières biomasse qui utilisent des déchets de construction ou de recyclage de matières organiques.

Olivier PAS  indique qu’une chaudière biomasse est classée dans les installations de combustion (rubrique 2910). Une chaudière qui incinère des déchets est classée pour sa part dans les installations de traitement de déchets non dangereux (2771). Il ajoute également que le statut des déchets de bois doit être précisé.

II. Présentation de l’Autorité de sûreté nucléaire

Andrée DELRUE rappelle que l’ASN est une autorité administrative indépendante depuis 2006, qui exerce des missions régaliennes, sans être régie par le gouvernement, les Ministères ou le Préfet. L’ASN est organisé en huit directions nationales et onze divisions territoriales. Ses principales missions sont :

· la réglementation ;

· le contrôle régalien de l’ensemble des installations ;

· l’information du public ;

· l’assistance du gouvernement en cas de situation d’urgence radiologique ;

· la sécurité des substances radioactives.

L’ASN est consultée sur tout projet de texte relatif à la sécurité nucléaire. Elle instruit les demandes d’autorisation des installations nucléaires de base, de leur création à leur démantèlement. Ces installations comprennent les 58 réacteurs nucléaires ainsi que les unités de recherche, de démantèlement et de traitement des déchets.

La division du Nord-Pas-de-Calais assure le contrôle des installations de la centrale nucléaire de Gravelines, de la SOMANU à Maubeuge et des installations industrielles, de recherche et médicales mettant en œuvre des rayonnements ionisants . L’inspection du travail de la centrale nucléaire est assurée par un inspecteur de l’ASN.

En 2010, 141 inspections ont été réalisées :

· 34 à la centrale nucléaire de Gravelines ;

· 3 à la SOMANU ;

· 98 dans le domaine du nucléaire de proximité ;

· 6 sur le transport de matières radioactives.

En plus de ces inspections, les six réacteurs de Gravelines sont suivis quotidiennement lors de leurs périodes d’arrêt.

III. Déchets à radioactivité naturelle renforcée

Andrée DELRUE indique que l’ASN est chargée de la mise à jour du bilan national des déchets radioactifs. Ce bilan a été remis au Ministère de l’Ecologie en juillet 2009 et comprend un volet sur les déchets contenant de la radioactivité naturelle renforcée.

Les matières à radioactivité naturelle renforcée (RNR) sont des produits qui contiennent naturellement de la radioactivité, qui est concentrée lors de leur utilisation dans certains process industriels (ex : combustion de charbon, fabrication d’engrais phosphatés, emploi de terres rares dans l’industrie des pigments…).

Les déchets RNR relèvent de la catégorie des déchets à faible activité radiologique (FA) soit quelques milliers de becquerels par gramme d’activité, voire très faible activité (TFA), soit moins de 100 becquerels par gramme mais à durée de vie longue.

Le bilan national ne remet pas en cause les solutions de gestion actuelles mais propose quelques améliorations, notamment à partir de l’étude réalisée par l’association Robin des Bois en 2005 et 2008 sur les dépôts de cendres et de phosphogypse.

L’ASN recommandait de réaliser un état radiologique plus précis et de sécuriser ces dépôts dont les volumes sont importants par la mise en place de clôtures au cas par cas et selon les enjeux. Il a été proposé d’effectuer systématiquement des études d’impact pour tout projet d’aménagement et de mettre à jour les plans de surveillance, notamment par des mesures radiologiques dans les eaux de surface et souterraines.

Une circulaire du Ministère de l’Ecologie a été émise en 2009 et a été déclinée localement sur chaque site du Nord Pas-de-Calais afin d’en quantifier l’enjeu radiologique. La méthode utilisée est une approche graduée avec mesures environnementales et prise en compte de l’ensemble des compartiments et des voies de transfert. Une surveillance radiologique d’au moins une année est imposée.

Pour l’ensemble des sites, l’inspection des installations classées a pris des arrêtés préfectoraux complémentaires, avec la mise en place d’une surveillance radiologique des eaux souterraines et superficielles. Des mesures en laboratoire doivent être réalisées sur les principaux radioéléments susceptibles d’être présents.

Certains dépôts, dits « orphelins », sont sortis de la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement. Ce sont des sites anciens, généralement restitués aux communes, pour lesquels l’Etat a fait réaliser les mesures radiologiques et les études d’impact.

Olivier PAS  rappelle que l’ASN a confié à l’association Robin des Bois la réalisation d’un rapport sur les dépôts historiques de déchets RNR. Publié fin 2008, ce rapport était particulièrement centré sur les dépôts de cendres dans le Nord-Pas-de-Calais. L’association Robin des Bois a effectué un état des lieux des sites mais n’a pas réalisé d’étude d’impact radiologique des dépôts.

Le Nord-Pas-de-Calais est la première région de France pour le nombre de sites de dépôts de cendres de charbon. Ils représentent près de 30 millions de tonnes de cendres, réparties sur quatorze sites.

Tout élément naturel possède une radioactivité naturelle et celle du charbon est très faible. Lorsque le charbon est brûlé, les éléments lourds se concentrent dans les fumées, qui sont filtrées, les éléments radioactifs se concentrant dans les cendres. A volume égal, les cendres sont dix fois plus radioactives que le charbon, ce qui pose la question de l’éventuel impact radiologique des dépôts de cendres.

Il a été demandé aux propriétaires et exploitants de réaliser des campagnes de prélèvement dans les eaux souterraines ainsi qu’une évaluation de l’impact de la radioactivité des sites sur les populations. Ces éléments doivent permettre de statuer sur les recommandations de la circulaire de 2009 : nécessité du maintien de la surveillance, extension de la surveillance à d’autres milieux, réalisation de mesures de prévention et information de la population.

Les résultats sont disponibles pour les dépôts dits « orphelins » de Chocques, Fouquereuil, Fouquières-lez-Lens, Dechy et Haillicourt pour lesquels l’Etat a fait réaliser les études par le BRGM et l’IRSN.

IV. Exemple du site de Chocques

Ce site présente diverses activités : une usine d’incinération ainsi qu’une aire de loisirs et de promenade, avec une activité publique.

Les activités mesurées sont bien inférieures à 100 becquerels par kilogramme (sauf pour le K40). Concernant les eaux souterraines, l’impact radiologique est du même ordre de grandeur selon que l’eau est sous les cendres ou sous d’autres déchets.

Au niveau des cendres, les mesures varient entre 100 et 120 nSv/h. Pour le Nord-Pas-de-Calais, le bruit de fond est entre 70 et 90 nSv/h. Les résultats mesurés sont au maximum deux fois supérieurs au niveau ambiant.

L’étude conclut qu’il n’existe aucun impact significatif de ces dépôts de cendres. Les différents échantillons prélevés ont montré des activités cohérentes avec les données de la littérature. Aucun transfert de pollution radiologique n’a été constaté vers les eaux et les mesures des eaux destinées à la consommation humaine sont bien en deçà des recommandations de l’OMS. Sur la base des mesures réalisées, des scenarii de transfert et de fréquentation, l’impact radiologique associé aux cinq stockages étudiés reste négligeable. Il n’est donc pas nécessaire de prendre des mesures de protection particulières.

Alain DEGUERRE rapporte qu’un terril de cendres est exploité à Vermelles et que des problèmes sont apparus avec les animaux, les canards partant les uns après les autres, sans que la raison en soit connue.

Olivier PAS  confirme que le dépôt de cendres de Vermelles fait partie des sites pour lesquels le Préfet a pris des arrêtés. Des études sont en cours. Néanmoins, le site présente la même typologie que ceux étudiés par le BRGM. Les volumes sont similaires ; les résultats devraient donc être du même ordre de grandeur. Olivier PAS ne pense pas que les pathologies constatées chez les canards soient liées aux cendres.

Jean-Paul LECOUSTRE relève que le nombre de cancers ne cesse de progresser dans la Région, ce qui suscite des inquiétudes.

Andrée DELRUE  estime que la contribution radiologique est relativement négligeable par rapport à l’ensemble des émissions environnementales. Les terrils de cendres présentent des enjeux radiologiques extrêmement faibles, sans aucune incidence sur les citoyens. Par ailleurs, aucune population n’occupe de manière permanente ces zones.

Jacques PATRIS revient sur l’impact sur la santé et rappelle que les données délivrées sont exprimées en nano-sieverts. L’exposition d’une personne lambda au cours d’une année est estimée à 4 mSv. Il reconnaît que des problèmes de cancers liés à l’activité nucléaire ont pu survenir par le passé notamment par absence de suivi de l’exposition mais que celle-ci fait l’objet aujourd’hui d’un suivi très attentif.

V. Présentation du projet Artois Méthanisation

Dominique MARTIN présente le projet Artois Méthanisation. Une unité de méthanisation est en cours de construction sur le site d’Artois-Compost à Grincourt-lès-Havrincourt.

La méthanisation est effectuée par un process de « voie liquide », qui correspond à un processus biologique naturel de fermentation, effectué en l’absence d’oxygène. La matière organique est intégrée dans les cuves fermées et des bactéries dégradent la matière pour la transformer en biogaz (composé principalement de dioxyde de carbone et de méthane) qui va être récupéré ensuite et valorisé par un système de cogénération pour la production d’électricité. La fraction résiduelle de la matière organique, appelée « digestat », sera valorisée sous forme d’amendement organique.

Le bilan carbone est favorable car la production d’électricité compense largement les dépenses énergétiques nécessaires à l’installation et évite l’émission de gaz à effet de serre : près de 2 000 tonnes d’équivalent CO2 sont ainsi évitées.

Le site de méthanisation sera intégré dans une plateforme de compostage existante, l’objectif étant de créer un pôle de traitement multi-filières pour les déchets organiques.

Le site est en cours de construction et son démarrage est prévu en janvier 2012, avec une capacité de 25 000 tonnes. L’objectif est de produire par heure 1 mégawatt électrique et 1 mégawatt de chaleur. Une synergie sera mise en place entre les activités d’Artois Méthanisation et d’Artois Compost.

Grégory ALEXANDRE indique qu’en tant qu’industriel de l’agroalimentaire, il est régulièrement sollicité pour la récupération de ses déchets pour méthanisation. Il demande qui coordonne ces différents projets afin d’éviter que les ressources ne soient pas prises en compte par plusieurs installations.

Dominique MARTIN  souligne que l’installation de méthanisation a été intégrée dans un appel à projets de l’ADEME pour faire émerger une filière méthanisation dans la région Nord-Pas-de-Calais. Les principaux concurrents sont belges et disposent de tarifs de rachat de l’électricité beaucoup plus intéressants, ce qui limite la concertation.

Blanche CASTELAIN estime que la concertation doit être réalisée au niveau du plan de gestion des déchets.

Grégory ALEXANDRE craint que les nouvelles installations ne disposent pas de suffisamment de ressources.

Jean-Paul LECOUSTRE estime que la réduction des odeurs doit être étudiée.

Dominique MARTIN  rappelle qu’un comité a été mis en place dans les communes avoisinantes. Les riverains ont constaté que la situation s’était nettement améliorée depuis quatre ou cinq ans. Un système de mesures électroniques a été installé sur le site pour étudier l’impact olfactif. En cas d’anomalies, des riverains disposent des coordonnées de l’entreprise et peuvent donc l’alerter.

Jacques PATRIS rappelle que la prochaine commission MILIEUX portera sur la thématique de l’Eau et se tiendra en présence de l’Agence de l’Eau Artois-Picardie le jeudi 8 décembre à 14 heures 30 à la Chambre de Commerce & d’Industrie de Lens. La commission Santé Environnement se réunira le 13 décembre à 14 heures 30, également à la CCI de Lens.

Fin de la commission

Comptes-rendus