Point réglementaire sur les dioxines, visite de l’entreprise Recytech CCI de Lens

COMMISSION TECHNIQUE AIR ET DECHETS

LENS/FOUQUIERES LES LENS

Après avoir remercié M. Gérard LINGLART, Président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Lens d’accueillir les commissions Air et Déchets dans les locaux de la Chambre de Commerce et de l’Industrie, M. Jean-Pierre CORBISEZ a rappelé l’ordre du jour, consacré aux rejets de dioxines et à la visite de la Société RECYTECH ; il a ensuite passé la parole aux intervenants.
Les documents remis en séance sont disponibles sur simple demande au secrétariat du S. 3 P. I.

Dioxines point réglementaire / résultat de mesure

Monsieur Mathieu RIQUART ingénieur DRIRE Nord / Pas-de-Calais

M. Mathieu RIQUART a présenté la réglementation applicable aux rejets de dioxines et a dressé le bilan à ce jour.
Les dioxines et furannes, dont certains sont cancérigènes, sont principalement produits par la sidérurgie et les fonderies ainsi que les unités d’incinération de déchets.
Aujourd’hui la norme de 0,1 ng/m3, (ng : nanogramme) c’est-à-dire 0,1 milliardième de gramme par mètre cube de gaz rejeté, est applicable aux nouvelles usines d’incinération de déchets dangereux, et d’ordures ménagères.
Cette valeur sera également applicable au 1er juillet 2000 aux installations existantes d’incinération de déchets dangereux (mais pas celles d’ordures ménagères). De même qu’une quantité de plus de 1 g de dioxines émises par an a été retenue comme seuil pour la surveillance de l’impact sur l’environnement et la réalisation d’études définissant les moyens de réduction à mettre en oeuvre.

En 1998, les contrôles, prescrits par M. le Préfet et réalisés sur les plus importantes usines d’incinération d’ordures ménagères de l’Artois, avaient révélé des teneurs assez largement supérieures à 0,1 ng/m3.

Ce constat a conduit les collectivités à programmer la mise en place d’outils d’épuration complémentaires (Usines de Noyelles-sous-Lens, d’Hénin-Beaumont, de Labeuvrière).

Au niveau des unités industrielles concernées : Française de Mécanique à Douvrin, Ugine à Isbergues, Cokes de Drocourt, Agglonord à Oignies, Métaleurop à Noyelles-Godault, Recytech à Fouquières-les-Lens, seule Recytech présentait un dépassement tant en concentration qu’en flux des valeurs de référence.
Dès juin 1998, un programme d’action a été lancé dans l’entreprise RECYTECH.

DISCUSSION

Pour répondre à M. Jean-Pierre CORBISEZ, M. Mathieu RIQUART précise que les dioxines sont des molécules organiques complexes de noyaux benzéniques avec des atomes de chlore. Elles comprennent environ 210 composés différents dont 135 furannes et 75 dioxines. Leur degré de toxicité est variable. On définit donc pour chaque produit un équivalent toxique par référence à la tétra 2,3,7,8, chloro di benzo dioxine. La somme des concentrations pondérées donne une concentration en équivalents toxiques : TEQ (Total Equivalent Toxique). La réglementation définit les méthodologies de prélèvement et d’analyse.

En réponse à une demande, M. Mathieu RIQUART indique que les flux relevés à SOLLAC Dunkerque sont liés à des débits de gaz importants, les concentrations étant relativement faibles. Pour cette entreprise, les procédés de traitement sont plus complexes à mettre en oeuvre ; une réflexion est en cours au plan européen entre les industriels concernés sur les différentes méthodes de traitement envisageables.
A noter qu’il y a, sur ce site, beaucoup d’émissions diffuses, par conséquent difficiles à maîtriser et à capter.

M. François VANDENBON précise que le traitement complémentaire des dioxines n’est réalisable que si les autres polluants, présents à des quantités beaucoup plus importantes, ont été épurés préalablement. A l’U.I.O.M. de LABEUVRIERE, l’une des premières en France à être aux normes, ce traitement complémentaire des dioxines est engagé.

Point sur les émissions de l’UIOM de Noyelles-sous-Lens

Monsieur René DUFOUR Chef de service / Communauté d’agglomération de Lille

En préambule, M. René DUFOUR indique, pour localiser l’UIOM de NOYELLES SOUS LENS , que celle-ci est distante de 800 mètres, à vol d’oiseau, de la Société Recytech à FOUQUIERES LES LENS.

Les déchets urbains des 36 communes, qui constituent la Communauté d’Agglomération de Lens Liévin pour une population de 252 000 habitants, se répartissent globalement ainsi :
 120 000 tonnes d’ordures ménagères incinérées
 130 000 tonnes de gravats et déchets du B.T.P. dont une partie valorisée
 20 000 tonnes de déchets végétaux valorisés
 15 000 tonnes emballages recyclés.

Il souligne que le taux de 22 % de valorisation, prévu dans le Plan Départemental des Ordures Ménagères (PDOM) pour les déchets ménagers collectés, atteint 27,5 % pour la Communauté d’Agglomération de Lens Liévin .

Ce taux comprend :

 les végétaux valorisés par compost
 le verre, les papiers-cartons, journaux, les flaconnages plastiques
 les ferrailles

Ce taux passe à 49 % si l’on inclue la valorisation des mâchefers d’incinération.

Le problème majeur aujourd’hui concerne la valorisation des gravats et déchets du B.T.P., voire celle des encombrants, l’ensemble représentant représentent environ 130 000 tonnes à l’échelle de la Communauté d’Agglomération de Lens Liévin. S’y ajoute également, sous un autre angle, l ? amélioration de la valorisation des boues de station urbaine de traitement des eaux usées.

Les travaux de réhabilitation, décidés en 1998,ont été réalisés en moins d’un an. Les équipements sont opérationnels depuis novembre 1999.

Le principe du traitement des dioxines est le suivant :

après refroidissement dans une tour d’atomisation, les fumées passent dans des électrofiltres. Au sortir de ces électrofiltres sont injectés du bicarbonate de sodium et du coke de lignite ; le mélange homogène est ensuite épuré dans des filtres à manches.

Le montant des travaux s’élève à 113,3 MF dont 70 MF pour le traitement des effluents. Outre les aspects techniques, l’accent a été également mis sur l’intégration du site dans son environnement.

L’un des objectifs aujourd’hui est la réduction des quantités de poussières et de cendres volantes (REFIOM) mises en décharge de classe 1.

Des études et réflexions sont engagées au plan national en vue d’une valorisation des sels résultant des traitements complémentaires.

Il faut souligner les performances du dispositif :

 rejets de poussières divisés par 500 -> 20 g/h pour 10 kg/h auparavant (la teneur est passée d ? environ 150 mg/Nm3 à 0,3 mg/Nm3)
 l’acide chlorhydrique rejeté est aujourd’hui proche de zéro, à la limite de détection des appareillages de contrôle.

Ainsi, les rejets sont maintenant de l’ordre de 0,1 milligramme/Nm3 en acide chlorhydrique pour une norme à 50 mg/Nm3, ceux de métaux lourds s’établissent à moins de 0,1 mg/Nm3 pour une norme à 5 mg/Nm3 .

Le niveau de rejets en dioxines (0,023 à 0,082 nanogramme/Nm3) est inférieur, à la valeur indicative de 0,1 nanogramme/Nm3.

DISCUSSION

En réponse à une demande, M. René DUFOUR précise que le coût spécifique lié au traitement des dioxines s’élève à 1,5 MF ; le coût de fonctionnement de ? la part de dioxines ? est de 2 % (environ 7,7F/tonne) des charges totales de fonctionnement, lesquelles s’élèvent à 360 F par tonne de déchets traités .

Cela ne vaut que dans le cas d’un processus global d’épuration des fumées intégrant à l’origine le traitement des dioxines . S’il faut rajouter un traitement spécifique des dioxines, complémentaire à des installations d’épuration existantes, les coûts sont beaucoup plus importants.

A propos des déchets d’aluminium et en réponse à Mme Blanche CASTELAIN, M. René DUFOUR précise que les produits résultant du tri sélectif, ainsi que les métaux issus du dé ferraillage des mâchefers d’incinération, sont repris et réintégrés dans les filières industrielles correspondantes par des professionnels.

Cependant, le cas particulier des emballages d’aluminium, comme le souligne Mme Blanche CASTELAIN n’est pas réglé, il n’y a pas de tri spécifique .

Pour répondre à M. Jacques PATRIS au sujet de la valorisation énergétique, Monsieur René DUFOUR indique tout d’abord que la démarche visant à créer une nouvelle usine d’incinération inter-districale n’ayant pas abouti, c’est au niveau du site de NOYELLES SOUS LENS qu’a donc été étudiée la question :

 les études ont montré que la rentabilité d’une production d’électricité avec revente à EDF n’est pas évidente,
 il n’y a pas à proximité immédiate du site d’utilisateur industriel potentiel, ni de réseau de chaleur urbain,
 de plus, greffer un équipement de récupération d’énergie sur l’installation existante présente de sérieuses difficultés techniques.

Ces 3 facteurs n’ont donc pas permis de s’engager dans cette voie.

Sur suggestion de M. Yves EMERY, M. René DUFOUR propose d’accueillir, sur le site de NOYELLES SOUS LENS, une prochaine Commission Déchets ; il rappelle que l’usine peut être visitée et qu ? elle est dotée d’un centre d’information ouvert au public.

Présentation de l’entreprise Recytech

Monsieur Jurgen RUTTEN Directeur de l’entreprise Recytech

M. Jurgen RUTTEN a dans un premier temps décrit le process industriel de Recytech.

Le principe consiste à valoriser les poussières d’aciérie riches en zinc et en plomb, poussières produites à raison de 30 kg/tonne d’acier fabriqué. Ces poussières, étaient antérieurement mise en décharge.
Par réaction avec du coke et de la silice, dans un four tournant du même type que les fours de cimenterie, on récupère, après réoxydation, un mélange enrichi en zinc et en plomb appelé oxyde de Waelz. Cet oxyde est commercialisé sous forme de poudre ou de briquettes agglomérées. Les scories ,issues du process, sont valorisées en B.T.P.

M. Jurgen RUTTEN a ensuite mis l’accent sur les installations d’épuration de l’usine et les progrès accomplis pour réduire les rejets de dioxines qui s’élevaient, début 1998 à 134,6 ng/m3. En effet, celles-ci ont été améliorées ces deux dernières années, dans le cadre d’un plan d’actions en trois étapes, afin de permettre la captation optimale des émissions des dioxines du site :

 première étape : refroidissement rapide réduisant la formation des dioxines et injection de coke de lignite absorbant une grande partie des dioxines (réalisée en septembre et novembre 1998, investissement d’environ 3,5 M F),

 deuxième étape : filtre à lit fixe traitant une partie des effluents gazeux (réalisée en décembre 1998, investissement d’environ 4,5 M F). Grâce à ces deux étapes, l’émission de dioxines est réduite de plus de 95 % à l’ordre de grandeur d’un nanogramme d’équivalents toxiques par mètre cubique normaux secs.

 troisième étape : installation d’un dernier filtre traitant l’ensemble des fumées du four Waelz (réalisée en juin et juillet 1999, investissement d’environ 11 millions de F). Grâce à cette étape finale, l’émission de dioxines restante a été encore une fois réduite de plus de 95 % pour arriver à des dioxines de nanogrammes (0,13 à 0,24 ng/Nm3) d’équivalents toxiques par mètre cubique normaux ou secs ou, autrement dit, la réduction d’émission de dioxines est de l’ordre d’un facteur 1 000 par rapport à la première analyse ponctuelle réalisée en 1998.

La campagne d’analyse réalisée en novembre 1999 a également porté sur des tests de dysfonctionnement de l’installation de traitement des fumées, en particulier par des arrêts d’injection de coke de lignite. Il en ressort pour des périodes de durée moyenne (de l’ordre de 4 h) sans injection de coke de lignite que les émissions demeurent au même niveau (0,11 ng/Nm3, 0,26 ng/Nm3).

DISCUSSION

Michel BOUCHEZ, à propos des mesures, constate l’impossibilité de faire actuellement des mesures en continu, le coût des mesures ponctuelles n’est par ailleurs pas négligeable, aussi est il nécessaire que les techniques de contrôle progressent pour pouvoir faire des mesures plus régulièrement.
Il fait également remarquer que l’entreprise s’est engagée à faire des mesures extérieures des retombées atmosphériques pour connaître l’impact dans l’environnement.

Notant que la présente réunion se déroule dans la sérénité, loin du contexte passionnel de 1998 M. Michel BOUCHEZ souligne la volonté de transparence et de progrès qui certes n’enlève rien à la nécessité de vigilance.
C’est l’un des intérêts majeurs du S. 3 P. I. de l’Artois.

M. Michel HURET, rappelant qu’il a été émis 205 g/an de dioxines pendant
plusieurs années, souhaite connaître la toxicité de ces émissions.

M. Max THEROUANNE lui répond qu’à la différence du plomb, on ne connaît pas les conséquences précises de la diffusion dans l’air des dioxines à faible concentration. D’ailleurs, on n’a pas à ce jour une connaissance sur les conséquences pour les populations environnantes de l’accident survenu en 1976 à SEVESO en Italie.

Certaines dioxines sont toxiques et ont un effet cancérigène, mais à quelle échéance et à quelle dose ’
Quelle est la surmortalité de cancers spécifiquement liée à la dioxine ?

Pour répondre à cette question, les scientifiques sont démunis ; il faudrait engager des études comparatives à long terme ( de l’ordre de 20 ans)entre différents ensembles de populations représentatives.

Par contre l’évaluation des risques d’exposition serait possible. Une évaluation se fait en s’appuyant sur les produits consommés (panier de la ménagère, produits du jardin) auxquels on ajoute ce que l’on respire ; on connaîtrait ainsi les quantités absorbées, c’est la seule démarche envisageable actuellement.

M. Pierre LOY demande pourquoi on n’a agi en France que depuis 2 ans alors qu’en Allemagne le traitement était opérationnel bien avant.

M. Jurgen RUTTEN rappelle que les études et les premiers travaux ont été engagés en juin 1998 sur la base des connaissances acquises notamment en Allemagne, avant la connaissance des premiers résultats de mesure de dioxines.

En réponse à Mme Blanche CASTELAIN qui propose la tenue d’exposés sur la question par des médecins, Mme Anne FRACKOWIAK indique que cela a été fait en Sous-préfecture de Lens le 04.02.99 dans le cadre d’une réunion S. 3 P .I . consacrée au plomb ainsi qu’aux dioxines.

Mme Blanche CASTELAIN souhaite cependant que soit d’avantage développé le volet santé et l’aspect épidémiologique.

M. Michel BOUCHEZ signale que Madame la Ministre de l’Environnement a demandé la réalisation d’une étude sur les effets des dioxines.

En réponse à M. Michel HURET, M. Jurgen RUTTEN indique que le dossier correspondant aux modifications d’exploitation de l’usine prochainement envisagées est consultable, une enquête publique est en cours.

Visite de l’entreprise Recytech

Monsieur Jurgen RUTTEN Directeur de l’entreprise Recytech

La réunion s’est poursuivie par la visite de l’entreprise RECYTECH.

Comptes-rendus