CR Commission Milieux Eau du 30/09/2014 S3PI de l’Artois Béthune

En guise de préambule, Hélène COPIN (S3PI de l’Artois) présente les prochains rendez-vous du S3PI de l’Artois, notamment les Assises Nationales des Risques Technologiques, programmées le 16 octobre à Douai (Gayant Expo) ainsi que le second Comité Territorial de l’Artois en partenariat avec ATMO, qui aura lieu dans les locaux du S3PI le 21 octobre prochain.

Suite à la présentation au mois d’avril des données de l’IRE (Industrie au Regard de l’Environnement), l’eau a été identifiée comme un enjeu particulièrement important pour le territoire de l’Artois. Cette commission thématique a donc vocation à poursuivre la démarche entamée pour préserver la qualité de l’eau.

Quelques données sur l’Eau : contexte réglementaire et acteurs

L’eau présente la spécificité de concerner de très nombreux acteurs, notamment la DREAL, l’Agence de l’Eau (à travers les comités de bassins) et les industriels. Cette thématique est située à la confluence des thèmes de la santé et de l’environnement. La réglementation évolue régulièrement, car le plan national santé-environnement a pour objectif de réviser les textes en vigueur afin d’améliorer la qualité de l’eau.

Présentation de la ressource en eau

En France, la ressource en eau est gérée à travers 33 000 captages d’eau potable et 20 000 stations de traitement ou usines de production d’eau potable, ce qui occasionne 303 000 prélèvements par an. En 2012, 96,7 % de la population a été alimentée par de l’eau respectant en permanence les critères de qualité. En 2014, 70 % des captages utilisés pour l’alimentation en eau potable sont protégés par l’instauration de périmètres de protection appliqués à la prévention des risques de pollution (92 % des captages de la région Nord/Pas-de-Calais sont concernés).

En 2012, 450 déclarations de rejets dans l’eau ont été exprimées dans la région. En Artois, la Demande Chimique en Oxygène (DCO) concerne huit émetteurs, qui représentent 42 % des émissions régionales (avec une sur-représentation du secteur agro alimentaire). De même, 22 % des émissions de Matières En Suspension (MES) proviennent de huit émetteurs et 32 % des émissions d’azote.

Réglementation ICPE pour les rejets aqueux

Julien DEVROUTE (DREAL NPdC) classe les rejets sortant de l’ICPE en trois catégories : eaux sanitaires domestiques, eaux pluviales et eaux usées industrielles.

Les textes fondateurs

Julien DEVROUTE fonde son travail sur des arrêts ministériels, la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, le SDAGE (Schéma Départemental d’Aménagement et de Gestion des Eaux), la Directive Cadre sur l’Eau (qui fixe des objectifs de bon état des masses d’eau), ainsi que les Meilleures Techniques Disponibles (permettant de limiter au maximum les rejets polluants en provenance des industries).

Les outils de surveillance

Dans ce cadre, les VLE (Valeurs Limite d’Emissions) sont fixées par l’arrêté ministériel du 2 février 1998, les conventions de rejets, les meilleurs techniques disponibles, les engagements pris par l’exploitant dans son dossier de demande d’autorisation (y compris ses hypothèses de modélisation de l’impact) et l’auto surveillance. A cet effet, l’application GIDAF-Gestion Informatisée des Données d’Autosurveillance Fréquentes- permet aux installations classées de transmettre leurs données d’auto surveillance. Le recours à cette application deviendra obligatoire au 1er janvier 2015.

Préconisations concernant les eaux pluviales

On distingue les eaux pluviales de toitures des eaux pluviales de voiries pour lesquelles un passage par un séparateur d’hydrocarbures est conseillé. S’agissant des eaux pluviales, il est préconisé de favoriser le recyclage, l’infiltration dans les sols, le rejet en milieu naturel, puis le rejet dans le réseau séparatif.

Impact sur le milieu

La Directive Cadre sur l’Eau (DCE) de 2000 a fixé des objectifs de bon état des masses d’eau, qui ont été repris dans le SDAGE. Quant à la loi de mise en œuvre du Grenelle, elle a fixé un objectif d’atteinte de bon état pour 66 % des masses d’eau et des objectifs de réduction des substances à l’échéance de 2015.

Dans le cadre des dossiers de demande d’autorisation, un établissement doit démontrer sa comptabilité avec les dispositions du SDAGE et l’acceptabilité de ses rejets éventuels en milieu naturel.

Dans la région Nord/Pas-de-Calais, une action est en cours depuis 2011 pour évaluer à quel niveau les installations classées étaient contributrices au déclassement des masses d’eau et aider les exploitations à diminuer leurs émissions à travers une étude technico économique.

Les actions RSDE (Recherche et réduction des Rejets de Substances Dangereuses dans l’Eau)

Les actions RSDE s’appliquent aux installations classées et aux stations d’épuration. Elles permettent de rechercher un certain nombre de substances en fonction du secteur d’activité à titre de comparaison, en vue de réaliser, si nécessaire, une surveillance pérenne et mettre en œuvre un programme d’actions de réduction. Au 15 septembre 2014, 60 actions de surveillances avaient été initiées et avaient donné lieu à 36 rapports (17 abandons, 15 surveillances pérennes et 4 surveillances pérennes accompagnées d’un programme d’actions).

Des groupes inter agences ont été créés afin de mener des études de branche et réfléchir à la manière de réduire les émissions de ces substances dans le secteur d’activité. A la fin de l’année 2013, les études sur les déchets, les blanchisseries industrielles et les abattoirs et métiers de la viande étaient achevées. L’INERIS a édité des fiches technico-économiques pour aider les industriels : par exemple, pour le cuivre : recyclage, le choix de matériaux alternatifs, les techniques de traitement, etc…

Echanges avec la salle

Blanche CASTELAIN (Nord Nature Environnement) émet le souhait de disposer à l’avance des documents présentés en commission, afin de faciliter les échanges.

Hélène COPIN (S3PI de l’Artois) prend note de cette demande. Elle travaillera à la dématérialisation des documents.

Frédéric MODRZEJEWSKI (DREAL NPdC) invite les membres à poser des questions d’actualité afin de les inscrire à l’ordre du jour des commissions. Il souligne que la détermination des valeurs limite découle non seulement de textes nationaux, mais des enjeux locaux.

Blanche CASTELAIN demande en quelle année le programme RSDE a débuté.

Julien DEVROUTE indique que RSDE a été initié par la circulaire du 1er janvier 2002, visant à procéder à des mesures sur tous les secteurs d’activité. Cette action a consisté en la réalisation des analyses (2002-2007), leur exploitation (2007-2009) et une surveillance exercée à partir de 2012.

Frédéric MODRZEJEWSKI ajoute que l’action RSDE vise à avoir une vision cartographique des différents émetteurs de micro polluants, à engager un plan de réduction et à mettre en œuvre des valeurs limites.

Patrick CLAUSE demande si la pollution aux perchlorates est préexistante ou s’il existe encore des émetteurs.

Frédéric MODRZEJEWSKI indique que les perchlorates sont issus d’une pollution historique datant d’environ un siècle (pendant la première Guerre Mondiale, notamment). Une action a été menée dans le Nord/Pas-de-Calais afin de fixer une valeur limite qui n’existe pas à ce jour au niveau européen ou mondial. Une action de traitement a été imposée au travers des fournisseurs d’eau potable : soit en mélangeant les eaux pour respecter les valeurs limite (rapide et efficace pour obtenir une concentration acceptable pour la consommation humaine), soit en mettant en œuvre des traitements (sous forme de charbons actifs).

Hubert VERHAEGHE (Agence de l’Eau Artois Picardie) signale l’existence de quelques rejets industriels en dehors de la région, qui sont suivis et ciblés.

Daniel TALASZKA (CFDT) appelle de ses vœux la création d’un glossaire pour expliciter les acronymes.

Hélène COPIN suggère de joindre un glossaire au compte-rendu de la commission.

Une intervenante s’interroge sur la toxicité respective des produits cités les uns par rapport aux autres et sur la responsabilité de chaque secteur d’activité dans la présence de ces produits.

Julien DEVROUTE ne dispose pas de tous les éléments concernant la provenance de certains produits.

Hubert VERHAEGHE souligne la difficulté de trouver des produits de substitution moins polluants (par exemple s’agissant du zinc). Certains produits étant toxiques en très petite quantité, il est d’autant plus difficile de déterminer leur provenance. En outre, il est difficilement envisageable de réduire les émissions des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques), qui sont des résidus de combustion incomplète (par exemple, pour un feu).

Zoom territorial sur l’Artois : les chiffres de l’IRE 2013 pour le secteur industriel et les actions en cours (RDSE)

Hubert VERHAEGHE rappelle que l’Agence de l’Eau est composée :

  • d’un Comité de Bassin (usagers, collectivités et Etat), qui décide des grandes orientations de la politique de l’eau (SDAGE) ;
  • d’un Conseil d’Administration, qui gère les dépenses et les recettes de l’établissement.

L’Agence prélève des fonds sur la consommation et la pollution des l’eau et distribue des aides pour financer les actions de lutte contre la pollution, la préservation des milieux aquatiques et la protection de la ressource d’eau potable.

Le Xème programme d’intervention des agences de l’eau (2013-2018) est déterminé en fonction des lois, des directives et des programmes nationaux. Il s’inscrit dans le cadre de la Directive Cadre qui a fixé les objectifs suivants :

  • un bon état des masses d’eau ;
  • la non dégradation de l’état ;
  • la diminution des rejets de substances dangereuses ;
  • la suppression des rejets de substances prioritaires ;
  • le respect des zones protégées.

Le Xème programme a défini trois niveaux de priorité, des zones d’intervention avec enjeu « eau potable » et « zones humides ». Les modalités générales d’intervention obéissent à un certain nombre de règles et à l’encadrement de la Communauté Européenne. Ce dispositif européen est en cours de révision, avec une baisse des taux de financement et la transformation en normes des Meilleures Techniques Disponibles (BREF en anglais).

Hubert VERHAEGHE présente les taux de subvention des études et opérations, ainsi que les prestations d’audit et de conseil à l’exploitation des ouvrages privés de lutte contre les pollutions.

Le bassin de l’Artois se distingue par la faiblesse de débit de ses cours d’eau, ce qui amoindrit les capacités de dilution et rehausse le niveau d’exigence vis-à-vis des rejets. L’industrie représente 16 % des prélèvements dans les eaux souterraines et 80 % pour les eaux de surface. Au total, 41 substances servent à déterminer le bon état chimique et sont soumises à des objectifs de réduction ou de suppression.

Dans le cadre de RSDE 1 (Recherche des Substances Dangereuses de l’Eau), entre 2002 et 2007, 2 876 sites ont fourni leurs résultats à travers la France. Tous rejets confondus, on trouve en moyenne 8,64 substances (davantage sur les établissements raccordés à une station d’épuration et moins sur les stations d’épuration).

RSDE 2 cible les industriels soumis à un APC (arrêté préfectoral complémentaire) : plus de 400 établissements sont concernés sur le bassin Artois-Picardie, représentant 23 secteurs d’activité. Une campagne RSDE est dédiée aux stations d’épuration, avec l’objectif de limiter les apports pour traiter les déversements et privilégier le traitement direct par la station. Enfin, une réflexion globale est en cours sur la gestion des eaux pluviales.

Blanche CASTELAIN remarque que la question de la gestion des eaux pluviales intervient régulièrement lors des commissions d’aménagement commercial.

Hubert VERHAEGHE juge préférable de retenir les flux au plus près d’où ils sont générés pour éviter les inondations et les débordements.

Un exemple industriel local d’amélioration de la qualité des rejets aqueux (MAC CAIN à Harnes)

Benoît BLONDEL (Etablissement MAC CAIN) rappelle que MAC CAIN a pour vocation de fabriquer et commercialiser des produits essentiellement à base de pommes de terre, grâce à 55 usines à travers le monde (dont trois en France, à Harnes, Béthune et Reims).

Présentation du site

Le site de Harnes comporte deux lignes de production des frites surgelées (180 000 tonnes/an), deux lignes de production de flocons de pommes de terre (12 000 tonnes/an) et une ligne de conditionnement. Le site fonctionne toute l’année en flux continus avec 505 salariés (y compris les services administratifs). Il consomme 1 300 tonnes de pommes de terre, 24 tonnes d’huile, ainsi que 4 500 m3 d’eau par jour. Le traitement des effluents est assuré par une station d’épuration sur le site.

Interpellé sur ce point par Blanche CASTELAIN, Benoît BLONDEL admet que MAC CAIN produit très peu de frites « bio » (sur le site de Béthune uniquement), car le marché est restreint.

Le processus de production

Après un nettoyage sec (terre et fanes), les pommes de terre passent par l’épierreur puis par le tambour laveur. Ce processus fonctionne en circuit fermé : l’eau est traitée dans un décanteur afin d’évacuer les galettes de terre vers une zone de décharge autorisée.

Les pommes de terre passent par un bain de sel, si leurs conditions climatiques de production l’exigent. Ce traitement densimétrique permet de séparer les « flottantes », des pommes de terre aptes à être transformées. Le sel résiduel est évacué par gicleurs.

Le pelage est réalisé par injection de vapeur, la pression permettant l’éclatement de la peau, et dans une centrifugeuse. Afin de préparer la découpe, les pommes de terre passent un préchauffage, ce qui induit une consommation d’eau de 5-6 m3/heure pour chacun des trois préchauffeurs.

Les pommes de terre sont découpées par pompe hydraulique. De même, les couteaux sont alimentés par un système hydraulique. Les frites passent ensuite par une étape de blanchiment, avant d’être cuites dans l’huile (la consommation d’huile du site correspond à l’absorption de l’huile par les frites).

La station d’épuration

Le site de Harnes est équipé de sa propre station d’épuration, qui traite 3 600 m3 par jour, avec un rendement de 98 % pour la DCO et la MES. Cette station fonctionne selon les étapes suivantes :

  • pré traitement ;
  • méthanisation ;
  • traitement azote et phosphore ;
  • clarification finale (avant rejet au canal)

La station permet de dégager l’amidon gris à hauteur de 30 tonnes/jour. Elle permet également de produire du biogaz à hauteur de 7 à 8 % de la consommation de gaz naturel du site.

Par ailleurs, les boues aérobies sont traitées en permanence via une centrifugeuse avant d’être épandues sur des parcelles agricoles.

Cette station d’épuration a été créée en 1981 à la mise en service de l’usine. Elle a doublé en 1987 avec le démarrage de la ligne 2. En 1995, l’unité de dégraissage a été installée : il s’agit d’un élément essentiel du bon fonctionnement de la station. La nitrification/dénitrification a démarré en 1998 et la déphosphoration, en 2002. Le digesteur a été implanté en 2007 pour traiter tous les co-produits.

Benoît BLONDEL envisage de procéder au remplacement du digesteur et de l’installation de dégraissage en 2015. L’augmentation de la capacité des lignes « surgelés » 1 et 2 est prévue en 2016 et 2017.

Au vu du niveau de la consommation d’eau du site, celle-ci est suivie heure par heure, avec des objectifs attribués à chaque équipement. En la matière, le site de Harnes figure parmi les 25 % des sites les plus performants de la société. Enfin, l’eau utilisée sur le site est pompée dans la nappe phréatique et utilisée telle quelle.

Questions/réponses

Blanche CASTELAIN demande comment sont triées les pommes de terre vertes.

Benoît BLONDEL indique que le processus permet de les trier, complété par un tri optique.

Blanche CASTELAIN s’interroge sur le traitement subi par les pommes de terre stockées chez l’agriculteur.

Benoît BLONDEL explique que la conservation des pommes de terre nécessite une température constante de 7 degrés et un taux d’humidité le plus élevé possible. Le département agricole MAC CAIN surveille le stockage à l’interne et chez les agriculteurs, afin de prioriser l’utilisation des stocks en fonction de leur conservation. Un gazage est effectué pour freiner au maximum le développement de la pomme de terre. De la même façon, le service « agronomie » tente de développer des pommes de terre qui ne produisent pas trop de sucres en fin de campagne (ce qui limite la consommation d’eau).

Frédéric MODRZEJEWSKI remercie la société MAC CAIN pour cette présentation du site et de sa station d’épuration, qui a évolué au gré des évolutions réglementaires, de l’évolution des techniques, etc… Cet outil de traitement des eaux est particulièrement performant.

Benoît BLONDEL explique qu’il bénéficie d’un accompagnement des services de la DREAL et de l’Agence de l’eau.

Hélène COPIN annonce que des Journées de l’Eau seront organisées du 7 octobre au 18 novembre 2014.

La séance est levée à 17 heures 20.

Comptes-rendus